Le corps de l'ennemi hyperviolence et démocratie
Un certain XIXe siècle intellectuel et philosophique s'est obstiné dans l'exhortation : "Désanimalisez la politique ! Extrayons-nous hors de ce cercle maudit où l'adversaire est un ennemi, un féroce, un tigre, un loup!". Parcourant Hugo, Renan, mais aussi Marx et les discours tourmentés qui arpentent les champs de ruines de juin 1848 ou les transes de l'affaire Dreyfus, Alain Brossat relate cet intense travail sur le discours politique où sont à l'oeuvre tous les reconditionnements : celui qui conduit du temps des révolutions à l'épreuve de la guerre intérieure suspendue (la démocratie instituée); celui qui mène du registre traditionnel où l'autre politique est bête sauvage au mode prétotalitaire où il devient rat, bacille, pou-agent de toutes les contagions et épidémies. La deuxième partie expose comment l'humanisation de la politique rend difficile de considérer l'adversaire, voire l'ennemi, comme "brute", comme monstre animal déshumanisé. Il en découle une difficulté permanente à faire face à des figures ou à des phénomènes confrontant les vivants à l'épreuve de la limite, de l'excès absolu, de l'inhumain. Ce problème, nous n'en finissons pas de le rencontrer à propos du criminel contre l'humanité et de son pâle rejeton le négationniste-et aussi du terroriste, du génocideur en Bosnie, au Rwanda, en Algérie... Comment le discours politique qui a exclu le partage entre figures bestiales et figures humaines peut-il faire face au retour de la barbarie humaine ? Comment se passer du nom de monstre politique ? Questions posées par une actualité toujours plus accablante.
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Andrea Ordoñez @andreaovs