Enfants des Jésuites ou le sacrifice des vierges Les
Premier titulaire de la Chaire Louis-Desrochers en études canadiennes à l'Université de l'Alberta, le professeur E. D. Blodgett présente dans cet essai original le résultat de sa réflexion sur les traits fondamentaux de la littérature canadienne-française/québécoise. Pour lui, le lien écriture-histoire est fondamental et constitue l'origine d'un processus d'écriture complexe. Ce processus ou dialogue, selon Blodgett, a constitué les lieux fondateurs de la Nouvelle-France et de l'imaginaire du Canada français. Dans chaque cas étudié, on retrouve une figure d'enfant représentant un fils (ou une fille) à la fois idéologique et politique, une figure d'enfant « sacrifié ». Cette thématique de l'enfant «sacrifié », selon l'auteur, serait l'héritage culturel des jésuites, c'est-à-dire de leur relation avec le Fils de Dieu sacrifié pour le salut de l'humanité. La culture jésuite aurait en effet été fondée sur l'idéal- l'aventure - chevaleresque du Moyen Âge et ancrée dans une profonde croyance que la voie du martyre mène au salut éternel. Cette croyance, écrit Blodgett, aurait imprégné la mentalité de la Nouvelle-France et aurait longtemps été une force déterminante dans la littérature du Canada français. L'histoire de cet engagement a été racontée dans Les Relations, textes destinés au recrutement de la jeunesse française. Toujours à la recherche de la pureté, de l'innocence et de la jeunesse, les jésuites ont fait de l'enfance l'objet de leurs aspirations les plus profondes. Se considérant eux-mêmes enfants de Dieu, ils acceptaient volontiers de se soumettre à la volonté du Père divin, à tel point que leur foi aveugle les amènera à s'infliger des supplices et même à anticiper les joies du martyre. Les jésuites seront donc les premiers « enfants sacrifiés» de la littérature québécoise.