La résistance du sensible Merleau-Ponty, critique de la transparence
On ne saurait reprocher à une pensée dont le développement a été brutalement interrompu de ne pas être conclusive. Mais si cet inachèvement a incité de nombreux auditeurs et lecteurs à prolonger ses lignes de fuite vers d'autres horizons féconds, l'œuvre elle-même a souvent fait l'objet d'un paradoxal oubli. Vouloir évaluer le legs de Maurice Merleau-Ponty (1908-1961), cent ans après sa naissance, signifie donc avant tout prendre l'œuvre au sérieux en tant qu'œuvre et mettre au jour l'extrême cohérence qui la soutient. En suivant le fil rouge d'une notion, omniprésente des premiers aux derniers écrits, mais qui, en tant que concept opératoire, est passée jusqu'ici inaperçue, l'ouvrage retrace la lutte incessante de Merleau-Ponty contre toute idéologie de la transparence (transparence de soi à soi, du soi et de son savoir, du soi et de l'Autre) qui est aussi toujours la lutte de Merleau-Ponty avec lui-même. Tout en intégrant les recherches sur les textes publiés ces dernières années ainsi qu'un nombre de manuscrits à ce jour inédits, le livre se défait de la tentation philologique pour restituer au contraire l'organicité d'une pensée en acte, dont on commence à peine à mesurer toute la portée.