Humanité, humanitaire
Au cours de l'année 1996-97, l'École des Sciences philosophiques et religieuses a organisé une conférence et une journée d'études axées sur ce couple de notions qui condensent nombre de questions fondamentales de notre temps. Les profondes tribulations de notre époque semblent bien liées au déclin des références absolues et des idéologies sûres d'elles-mêmes et monolithiques. Mais au désenchantement moral et au désarroi de la pensée que redoublent les incertitudes économiques et politiques, répondent, un peu partout, une protestation et un refus du fatalisme qui se traduisent sous la forme de la réflexion critique et sous la forme, plus spectaculaire sans doute, de l'action, animées d'une volonté de transcender les particularismes et l'égoïsme frileux. Un nouvel élan de générosité, de risque, d'aventure même surgit au nom d'idéaux humanitaires. Cette effervescence d'initiatives force à revenir sur le sens de ces idéaux qui, au fond, de manière explicite ou confuse, en appellent à la valeur nodale d'humanité. L'action humanitaire, autant pour ceux qui la portent sur le terrain de la détresse, du désarroi et de la souffrance que pour ceux qui la soutiennent de plus loin, comporte évidemment des enjeux politiques, juridiques, philosophiques, éthiques, économiques et culturels d'une telle ampleur qu'il faut s'accorder du temps pour la penser. Une telle exigence de pensée ne peut en l'occasion prendre réellement forme sans le débat et le dialogue. C'est d'un tel travail de fond que témoigne cet ouvrage. La notion d'humanité s'y trouve réinterrogée à partir des contradictions, des ambiguïtés et des effets paradoxaux des actions humanitaires ou des débats juridiques ou économiques qui tentent de s'en inspirer. Le théologien, le philosophe, le juriste, le médecin, l'économiste, chacun selon son propre mode de questionnement, s'essaient à cerner les difficultés de formuler les éléments essentiels du noyau de sens irréductible, dont sont porteuses ces deux idées : l'humanité - l'humanitaire.