La constellation Rimabud
Plus d’un siècle qu’on lui reproche sur tous les tons d’avoir à vingt ans abandonné la poésie. Or personne ne s’est demandé si ce n’était pas plutôt elle, la poésie, qui s’était dérobée sous ses « semelles de vent », devenue obsolète, désuète, avec ses alexandrins marchant d’un pas militaire à la rime, inapte à rendre compte des prodigieux changements que la technologie et l’industrie, au nom du Progrès, imposaient à la société de son temps. Et le jeune Rimbaud en fut le témoin, qui fut hébergé par Charles Cros, poète et inventeur du phonographe, qui fréquenta Paul Demeny dont le frère Georges fut un des pionniers du cinéma, qui connaissait par Cabaner les discussions enflammées du café Guerbois où Monet, Manet, Cézanne procédaient au dynamitage de l’académisme.
« Il faut être absolument moderne », lâche-t-il dans Une saison en enfer, moins pour s’en convaincre que reprenant un mantra du temps. Et la poésie dans tout ça ? Il s’en était ouvert à Banville, alors grand maître du Parnasse : « Ne va-t-il pas être bientôt temps de supprimer l’alexandrin ? » avant d’exécuter lui-même la sentence dans les Illuminations. Et à Germain Nouveau qui se proposait de l’accompagner à Londres : « La poésie écrite ne me dit plus rien. Je préfère les voyages. » Et il partit.
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Camille@atlanticus