L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique
Reviews


Highlights

Sous la prise de vues à gros plan s’étend l’espace, sous le temps de pose se développe le mouvement. De même que dans l’agrandissement il s’agit bien moins de rendre simplement précis ce qui sans cela garderait un aspect vague que de mettre en évidence des formations structurelles entièrement nouvelles de la matière, il s’agit moins de rendre par le temps de pose des motifs de mouvement que de déceler plutôt dans ces mouvements connus, au moyen du ralenti, des mouvements inconnus qui, loin de représenter des ralentissements de mouvements rapides, font l’effet de mouvements singulièrement glissants, aériens, surnaturels. Il devient ainsi tangible que la nature qui parle à la caméra, est autre que celle qui parle aux yeux.

Si le film, en relevant par ses gros plans dans l’inventaire du monde extérieur des détails généralement cachés d’accessoires familiers, en explorant des milieux banals sous la direction géniale de l’objectif, étend d’une part notre compréhension aux mille déterminations dont dépend notre existence, il parvient d’autre part à nous ouvrir un champ d’action immense et insoupçonné.

La production artistique commence par des images au service de la magie. Leur importance tient au fait même d’exister, non au fait d’être vues.

Dans une mesure toujours accrue, l’oeuvre d’art reproduite devient reproduction d’une oeuvre d’art destinée à la reproductibilité. Un cliché photographique, par exemple, permet le tirage de quantité d’épreuves : en demander l’épreuve authentique serait absurde. Mais dès l’instant où le critère d’authenticité cesse d’être applicable à la production artistique, l’ensemble de la fonction sociale de l’art se trouve renversé. À son fond rituel doit se substituer un fond constitué par une pratique autre : la politique.
This book appears on the shelf Literature
This book appears on the shelf Bloom_list




