Médée protéiforme
Le mythe de l’infanticide Médée a toujours connu une fortune littéraire et la littérature féminine contemporaine ne fait pas exception. L’analyse comparée de huit textes de femmes de divers horizons tente de cerner les enjeux de cette figure irréductible pour une pensée féministe actuelle sur la maternité, le sujet et l’écriture mythique. En s’interrogeant sur la pertinence particulière de la tragédie d’Euripide aux reprises médéennes, explicites ou sous-entendues, des femmes, cette étude comparée se penche sur des textes du théâtre de Marie Cardinal, Deborah Porter, Franca Rame et Cherríe Moraga, et des romans de Monique Bosco, Christa Wolf, Bessora et Marie-Célie Agnant. À travers ses incarnations transculturelles, le mythe de Médée éclaire les affres de l’exil et de l’exclusion, ainsi que certaines visions du maternel qui préféreraient peut-être rester dans l’ombre de nos présuppositions et de nos règles sociales. Bien qu’il n’y ait pas plus monstrueux ou fou que l’acte infanticide, Médée, elle, n’est pas monstre, pas folle, mais lucide, humaine à part entière, comme la voulait Euripide, alors qu’elle s’en prend à ses enfants, à la culture défectueuse, à l’histoire des hommes. La réécriture au féminin de Médée force aussi une conception du sujet qui ne revêt pas facilement sa cohérence. Mais la poétique même de cette Médée retranscrite au féminin fait preuve de sa flexibilité, son indétermination, son pouvoir de transcender la simple répétition de son mythe, vu ici autrement et différemment.