L'ombre de l'image de la falsification à l'infigurable
Toute image a-t-elle vraiment une ombre ? A moins que l'ombre, peinte ou sonore, ne produise une image. Bref, qui, de l'image ou de l'ombre, l'emporte ? Ajoutons à cela les multiples clins d'œil, les repentirs iconologiques, les astuces inhérentes au monde du spectaculaire, les présences d'absence habiles à hanter toute couvre, qu'elle relève de la littérature, de la peinture, de la photographie, du théâtre, ou du cinéma, voire de la psychanalyse. Bref, reprises, transpositions, falsifications, recréations ou, changeons de registre : épure, conquête de l'authentique, les manifestations de l'art ont maille à partir avec l'ombreux qui vite devient tantôt ombrageux, tantôt ombrant ! De même les arts de l'empreinte, depuis l'origine du dessin jusqu'à l'horreur d'Hiroshima et ses fulgurantes lumineuses susceptibles d'éliminer l'image comme l'ombre, sont-ils toujours en étroite relation avec la mort et l'ineffable ? Mais l'infigurable, trace de l'inhumain, ne peut-il aussi se transformer en trop de visible ? Voir s'accompagnerait alors de quelque hystérie, capable de retentir sur la part de l'ombre liée à toute figure, sauf celle du vampire, et de faire des marges, des blancs, des silences autant de fragiles demeures, inséparables cependant de la représentation. Donner à voir implique ainsi sûrement un intime partage avec quelque secrète dispense des ombres. C'est ce que l'œuvre du cinéaste Alexandre Sokurov, si familier du langage pictural, confirme, au cours d'un hommage, à sept voix, rendu à son film Elégie de la traversée (2001). Le jeu énigmatique des ombres, spécifique de sa " touche " comme d'un certain traitement de la mélancolie, valorise tantôt le documentaire dans la fiction, tantôt le rêve dans la sèche réalité. La nostalgie, évocatrice de tant d'images, libère, là aussi, des ramifications propres à stimuler un nouvel art de créer, et peut-être même de penser les ombres.