La vocation prophétique de la philosophie
Pourquoi faut-il que nous nous interrogions sans relâche ? Qu'un seul veille et le monde est sans repos, libre à nouveau de toute réponse, comme si ni l'histoire ni la mémoire n'avaient tracé les signes, multiples et réitérés au long des siècles, de nos balbutiements devant l'énigme de l'être. D'aussi loin que les textes nous parviennent, la philosophie s'est érigée contre la superstition, la croyance vaine, l'opinion. Elle a fait œuvre de discernement en direction de la question de l'être, du monde, du sujet. Pourquoi alors défendre l'idée d'une vocation prophétique de la philosophie ? Parce qu'il y aurait à répondre de, avant même que la réflexion philosophique puisse, comme telle, être légitime. La vocation serait l'espace de toute réponse possible. Et la philosophie, dès lors, s'inscrirait à partir de ce lieu où la réponse est toujours différée, parce qu'elle est cette ouverture radicale sur l'absolument autre qui empêche le discours de se clore sur lui-même. Quels penseurs ont anticipé notre présente détresse ? A moins que la détresse ne soit elle-même qu'un état transitoire dont il ne faudrait pas s'affliger puisque nos démocraties sont, à tout prendre, les moins barbares des sociétés de droit. Les penseurs prophétiques frayent un chemin de veille, non pour perpétuer une trace, un enseignement, mais pour risquer plus loin la question de l'humanité de l'homme.