La mauvaise langue

La mauvaise langue

La langue n'est-elle pas, par définition, mauvaise, inadéquate à celui qui la parle ? Pour pallier les défauts de la langue, le linguiste, l'écrivain, le philosophe ou le fou se met à l'écoute ; il entend dans une autre langue, ou encore dans sa langue entendue comme autre, ce qui ne pouvait s'énoncer à travers l'impureté fondamentale de sa propre langue. Dans ce lieu inaltérable où gît l'autre langue, sans faille et inatteignable, se commémore, dans la même cérémonie funèbre, la pureté parentale, paternelle ou maternelle. L'autre de la langue, c'est l'origine intouchable enfermée dans une crypte que la langue ne fait que célébrer sans la dire tout à fait. Car, attention, quand les tombeaux du langage s'ouvrent, et ils ne sont jamais très hermétiquement scellés, c'est toute la langue qui se décompose, qui part en morceaux, qui s'effiloche. Travaillant le concept de crypte élaboré en psychanalyse par Nicolas Abraham et Maria Torok et le déplaçant vers des problèmes de fondation de l'écriture, de la nation ou du sujet, Catherine Mavrikakis met au jour les filiations ratées entre la langue pure et la langue familière, les généalogies impossibles entre la langue morte et la langue vivante, les héritages impensés du père au fils, de la mère à la fille, les contaminations terrifiantes du corps d'une langue à un autre corps. Elle viole ainsi les tombeaux secrets de l'œuvre de Mallarmé, Nodier, Hölderlin, Khlebnikov, Hofmannsthal. Elle ouvre les cryptes fondatrices de la philosophie heideggerienne et romantique allemande ou encore de la linguistique jakobsonienne. Elle force les caveaux de la famille du Président Schreber, pour découvrir le secret composant et décomposant tout langage. A la fois philosophique, littéraire, linguistique et psychanalytique, le travail théorique s'élabore ici sur des concepts puisés à même les mots des auteurs et des cas étudiés.
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