Le cri du sablier
Le livre de Chloé Delaume est le récit d'une réminiscence. Il remonte le temps afin de faire voler en éclats un passé oppressant. Sa virulence a la puissance du cri. Véritable leitmotiv du roman, la métaphore du sablier se propage, se ramifie : elle dessine la figure centrale et traumatisante d'un père " sédimentaire " et d'une " enfant du limon ". Ni pathos ni complaisance. Mais la tentative, à l'âge adulte, de répondre au questionnement d'un enfant, tentative rendue possible par une certaine douceur de l'ironie. Tout passe par le prisme d'une langue singulière, débordante d'inventions. Le style est démesuré, tantôt lapidaire, tantôt abyssal. Les mots se bousculent, deviennent envahissants, contractant la phrase jusqu'à donner une impression de fusion. Dans ce chaos où leur nature et leur fonction se mélangent, s'inversent, ils révèlent comme un miroir le morcellement de l'identité. Le Cri du sablier est avant tout une reconquête de la langue; un plaisir inattendu jaillit de mots le plus souvent douloureux, de leur détournement, de l'épuisement du sens de chacun.