Contes et nouvelles
Par une froide et humide matinŽe de novembre, une pauvre femme, misŽrablement v�tue, Žtait assise aupr�s du lit de son enfant malade. On Žtait en 1818; l'annŽe avait ŽtŽ rude, la guerre civile avait ensanglantŽ les rues de Paris: Georges, le mari de Madeleine (c'Žtait le nom de la pauvre femme), avait ŽtŽ tuŽ derri�re une barricade, o� il dŽfendait l'Žmeute en croyant dŽfendre ses droits. Depuis cette mort fatale, la mis�re et l'abandon Žtaient entrŽs dans une famille que soutenait jusque-lˆ le travail de son chef; c'Žtait ˆ grand'peine que Madeleine avait pu louer une chambre au sixi�me Žtage dans une maison de la rue du Helder. Elle Žtait blanchisseuse en dentelles; pour garder ses pratiques, il lui fallait habiter un quartier o� tout Žtait cher; elle s'Žtait donc rŽsignŽe ˆ quitter le faubourg o� on l'avait mariŽe, o� elle avait perdu son cher Georges. En temps de rŽvolution, par malheur, on ne fait gu�re de toilette; l'ouvrage Žtait rare, dŽjˆ Madeleine Žtait en arri�re avec tous ses fournisseurs. Le boulanger avait annoncŽ qu'il arr�tait son crŽdit. Madeleine touchait au moment fatal qui perd les malheureux et fait d'une ouvri�re honn�te une mendiante, que dŽgraderont bient™t la faim et le dŽsespoir. Elle Žtait lˆ, les yeux rougis par les veilles et les larmes, regardant sa fille rongŽe par la fi�vre, cherchant en vain dans sa pensŽe comment elle trouverait pour le lendemain du travail et du pain, quand une main hardie tourna la clef de la porte et fit tressaillir la m�re et l'enfant.