Le double poème pétersbourgeois
C'est hors de lui que le héros de notre récit bondit dans son logis ; sans ôter ni son manteau ni son chapeau, il traversa le petit couloir, et comme frappé par la foudre, il s'arrêta sur le seuil de sa chambre. Tous les pressentiments de Monsieur Goliadkine s'étaient entièrement réalisés. Tout ce qu'il craignait, tout ce qu'il soupçonnait, s'était à présent accompli pour de vrai. Il ne respirait plus, sa tête se mit à tourner. L'inconnu était assis devant lui, lui aussi avec son manteau et son chapeau, sur son lit à lui, avec un petit sourire, et, plissant un peu les yeux, il lui faisait un signe amical de la tête. Monsieur Goliadkine voulut crier, il en fut incapable, - protester, d'une façon ou d'une autre, il n'en eut pas la force. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête, et il s'assit, comme évanoui d'horreur. Il y avait de quoi, du reste. Monsieur Goliadkine avait complètement reconnu son ami de la nuit. Son ami de la nuit, ce n'était autre que lui-même - Monsieur Goliadkine lui-même, un autre Monsieur Goliadkine, mais exactement semblable à lui - en un mot ce qui s'appelle un double de tous les points de vue...