A Distance de voix Essai sur les
Proust se rappelle avec nostalgie les débuts de la téléphonie en France. Rilke et Leiris décrivent mélancoliquement les phonographes de leur enfance. Marguerite Dumas évoque l'abîme qui est dans chaque conversation téléphonique: "ce premier âge des hommes, des bêtes, des fous". Il serait facile de mulitiplier les exemples (Kafka, Verne, Villiers, Woolf, Simon, Calvino...). A en croire les écrivains, les télécommunications se situent du côté du temps perdu. La machine à parler n'a rien de moderne. On en trouve d'ailleurs rarement une qui marche. Que de craquements, de crépitements, de grincements, de vrombissements, de bourdonnements dans ces textes qui évoquent les techniques de transmissions électronique développées depuis la fin du siècle dernier dnas le sillage des travaux de Cros, Bell et Edison! Qu'on s'imagine le cauchemar de l'ingénieur ou de l'informaticien confrontés à ces engins qui fonctionnent pour ainsi dire à l'entropie et qui brouillent la frontière entre harmonie et cacophonie, entre bruit et fureur. C'est que la littérature va tout droit à "l'essence de la technique" (Heidegger). C'est que la communication ne serait tout simplement pas possible s'il n'y avait pas ses limites à la communicabilité. Peut-être y a-t-il de la machine en nous. Peut-être sommes nous des espèces de machines et devrons-nous accepter que les télétechnologies (qui sont aujourd'hui parmi les tekhnai les plus avancées) ne font qu'extérioriser cette technicité qui nous habite et dont nous sommes le produit.