Les gens de cendre
Toute une vie a traduire. Mais Andre Markowicz a toujours refuse de s'expliquer par ecrit sur son metier de traducteur.Bilingue entre le francais et le russe, c'est par le grec et le latin qu'il commence ses traductions. Et puis il y a ce fabuleux continent sauvage de prose qu'il revisite et denude, un Dostoievski jamais fini, qu'il remanie et aiguise a mesure des reeditions, nous reapprenant un Dostoievski glissant, tranchant, rapide, avec des fulgurations mystiques que les traductions d'autrefois ne laissaient pas prevoir.Andre Markowicz a fascine des centaines et des centaines d'auditeurs: il est la devant vous, un texte sur les genoux qu'il ne regarde meme pas, parce qu'il le sait par coeur. Et il vous embarque pendant une heure, deux heures, dans le fond d'un vers, et tout ce qui lui il y entend. Les rythmes, prosodies, l'heritage, les allusions, et puis qui etait celui qui ecrit, quelles conditions biographiques. Alors, tout au bout, qu'importe le texte francais, qui n'aura dure que le temps de cette seance, et n'aura pas laisse de trace: la lecture est avant tout du temps, et ce temps ou Markowicz nous a promenes dans la langue, c'est la poesie elle-meme, la poesie comme experience.C'est dans ce contexte qu'il faut lire ces Gens de cendre, poemes ecrits en traduisant, lisant crayon en main.Travail de la langue a ses frontiere, dont l'appareil de notes donne les sources et les cles. Croisant alors l'histoire russe, l'histoire des Juifs dite par un vers de Guennadi Aigui, et Virgile ou Sophocle en amont de Shakespeare, et, pour l'air et les ciels ou on travaille, les mots de la langue bretonne, le pays ou il vit.Mais, avant tout, les grandes ombres de Paul Celan, d'Andre Mandelstam (ou Agamben commentant Mandelstam, Andre s'inscrivant dans toute une suite de ces prismes ou nous-memes nous sommes...). La question de la folie, souvent tangente sous les phrases."