Walt Disney productions
Quand Bertrand Lavier inaugure sa série Walt Disney Productions en 1984, il s'appuie littéralement sur une bande dessinée de Walt Disney publiée dans Le Journal de Mickey sous le titre français de Traits très abstraits, qui raconte les aventures de Minnie et de Mickey au Musée d'Art Moderne. Bertrand Lavier isole les peintures et les sculptures qui constituent le décor de la narration et les agrandit ensuite au format présumé. En procédant de la sorte, il opère un court circuit dans le circuit de la représentation, puisqu'il rend tangible (il fait accéder au statut d'oeuvre) ce qui n'était jusqu'alors que décor et fiction. Les peintures photographiques et les sculptures réalisées à partir de cette bande dessinée sont désormais vouées à errer dans un espace indécidable, car elles conservent la forme de leur territoire d'origine tout en l'ayant quitté. Nous ne nous trouvons pas en effet devant des agrandissements de dessins ayant pour sujet l'art moderne, mais bien devant des peintures et des sculptures parfaitement emblématiques d'une certaine doxa concernant la modernité. La translation opérée par Bertrand Lavier met ainsi au jour une dimension refoulée de la reproduction, qui au-delà du stéréotype accède à une forme d'universalité. En ce sens, Walt Disney Productions ne constitue pas le commentaire ironique de l'art moderne raconté aux enfants, mais nous rappelle, comme le remarque l'artiste, que "c'est le monde virtuel qui nous permet d'approcher plus profondément la réalité".