L'Idiot (tome 2)
— Écoutez ! Je sais que parler n’est pas bien : mieux vaut tout bonnement l’exemple, mieux vaut tout simplement commencer... j’ai déjà commencé... et — est-ce que réellement on peut être malheureux ? Oh, qu’est-ce que mon chagrin ou mon malheur, si j’ai la force d’être heureux ? Vous savez, je ne comprends pas comment on peut passer à côté d’un arbre, et ne pas être heureux de le voir, parler avec un homme, et ne pas être heureux de l’aimer ! Oh, seulement je ne sais pas m’exprimer..., mais combien il y a à chaque pas de choses si belles, que même l’homme le plus désemparé trouve belles ! Regardez l’enfant, regardez l’aurore du bon Dieu, regardez le brin d’herbe grandir, regardez les yeux qui vous regardent et qui vous aiment... Il était depuis longtemps déjà debout, parlant toujours. Le petit vieux le regardait maintenant avec épouvante. Elisabeth Procofievna poussa un cri : “ Ah, mon Dieu ” ayant deviné avant les autres, et joignit les mains. Aglaé courut vivement à lui, eut le temps de la recevoir dans ses bras et avec effroi, le visage déformé par la douleur, elle entendit l’esprit sauvage de “ l’esprit qui avait secoué et terrassé ” le malheureux.