Traduire la littérature et les sciences humaines conditions et obstacles
Quelles sont les raisons de traduire ou de ne pas traduire une œuvre ? Alors que les ouvrages du philosophe américain John DEWEY publiés dans les années 1920 n'ont été traduits en français qu'en 2003, quatre ans seulement séparent la parution de la Sociologie de l'Algérie de Pierre BOURDIEU en 1958 et sa traduction en anglais, mais près de vingt-cinq ans passent entre la parution de l'Amour de l'art en 1966 et sa publication aux États-Unis en 1990. L'Élégance du hérisson, un roman tout d'abord refusé par de multiples éditeurs étrangers car jugé trop « franco-français » a pourtant connu très vite un succès de librairie mondial. Comment expliquer de tels phénomènes ? De nombreux obstacles d'ordre économique mais aussi symbolique empêchent les œuvres de circuler entre les cultures : la très inégale position des langues sur le marché mondial de la traduction et, pour chaque pays, les héritages culturels différents et leurs représentations réciproques, les traditions philosophiques et universitaires, la structuration et le développement des économies nationales du livre, mais aussi la rareté des traducteurs pour certaines langues, la difficulté de traduction, son coût, etc. À partir d'études de cas conduites en France, aux États-Unis, au Brésil, au Royaume Uni et aux Pays-Bas et consacrées à la traduction en français ou vers une autre langue, l'ouvrage identifie les conditions économiques et culturelles de la traduction en littérature et en sciences humaines et sociales. À travers un grand nombre d'exemples singuliers, il dégage les logiques générales qui freinent ou favorisent la traduction : le rôle crucial d'éditeurs volontaristes, l'importance des dispositifs de soutien public et les logiques culturelles qui gouvernent la réception des œuvres, leur commercialisation et leur médiation dans chaque pays. Gisèle SAPIRO a dirigé les recherches qui ont permis l'édition de cet ouvrage. Elle est directrice de recherche au CNRS et directrice d'études à l'EHESS. Elle dirige le Centre européen de sociologie et de science politique. Spécialiste de sociologie des intellectuels, de la littérature, de la traduction et des échanges culturels internationaux, elle est notamment l'auteure de La Guerre des écrivains, 1940-1953 (Fayard, 1999) et de La Responsabilité de l'écrivain. Littérature, droit et morale en France XIXe-XXIe siècle (Seuil 2011). Pages de début Avant-propos Les raisons de traduire Les obstacles économiques et culturels à la traduction Première partie. Présence du livre français à l'étranger : le poids des cultures nationales Revaloriser la traduction dans un environnement hostile : le marché éditorial aux États-Unis L'invisibilité de la contemporary fiction de langue française dans le marché britannique de la traduction Le déclin des traductions du français aux Pays-Bas Le reclassement d'une tradition : la traduction du français dans le marché éditorial brésilien Deuxième partie. Les traductions en français : obstacles éditoriaux et génériques Gérer la diversité : les obstacles à l'importation des littératures étrangères en France Pratiques et représentations de la traduction en sciences humaines et sociales : éditeurs généralistes et maisons d'édition savantes L'engagement par la traduction. Le rôle des petits éditeurs indépendants dans l'importation des ouvrages de sciences humaines Troisième partie. Trois études de cas La « grande œuvre » méconnue : Norbert Elias en France La philosophie peut-elle être américaine ? Les obstacles à l'importation du pragmatisme en France Une réception politisée. La traduction de John Rawls et de la philosophie politique et morale anglophone en français ConclusionÉléments de méthodologie Pages de fin.