Daniil Harms et la fin de l'avant-garde russe
Cet ouvrage est une évaluation globale de l'oeuvre de Daniil Harms (1905-1942) dans le contexte des diverses mouvances de l'avant-garde postrévolutionnaire. Dans un premier temps est pris en considération l'état de l'avant-garde historique au moment où le poète commence à écrire et, notamment de la poésie «transrationnelle» (zaum') de A. Krucenyh, V. Hlebnikov, I. Terent'ev et A. Tufanov, ainsi que des théories développées par K. Malevic et M. Matjusin dans le cadre de l'Institut de Culture artistique (GINHUK). Cette analyse montre qu'en pleine période de mise au pas idéologique et artistique, Harms a élaboré un système poétique totalisant dans la tradition des années dix, et que ce qu'il appelle la «lutte contre les sens» n'est autre qu'une lutte pour le sens, avec toutes les implications métaphysiques que cela suppose. L'analyse des écrits philosophiques de ses amis les plus proches dans les années trente, les Cinari Ja. Druskin et L. Lipavskij, permet, dans un deuxième temps, de mettre à jour les limites de ce système poétique, limites déjà perceptibles dans la pièce Elizaveta Bam, jouée pourtant encore en 1928, lors de la soirée de l'Association pour un art réel (OBERIU), dernière manifestation «de gauche» en Russie. L'auteur propose finalement de lire la prose «absurde» de Harms non seulement comme l'expression d'une angoisse face à un monde terrifiant, mais également comme le résultat d'une évolution organique de l'avant-garde russe, qui a donné naissance, comme en Occident, à une littérature de type existentialiste à laquelle le pouvoir n'a simplement pas donné le loisir de se développer. Ce travail, basé pour une bonne part sur des textes d'archives, est la plus grande monographie jamais écrite sur Harms et propose, en annexe, une bibliographie détaillée de plus de mille entrées de et sur l'écrivain.