Le Cantique des cantiques dans les lettres françaises Convegno internazionale di studi – Gargnano Palazzo Feltrinelli – 24-27 giugno 2015
Ce volume publie les actes du neuvième séminaire Balmas qui a réuni à Gargnano étudiants, chercheurs et spécialistes, du 24 au 27 juin 2015, autour de la fortune du Cantique des cantiques dans les lettres françaises. Cette fortune passe par une première tentative de clarification qui concerne avant tout l’identité du couple en relation aux Saintes Écritures. Les traditions juive et chrétienne reconduisent le texte autour d’un dialogue allégorique qui ordonne le système énonciatif du Cantique, le dispose autour de deux pôles – humain et divin – qui se répondent ponctuellement, jusqu’à donner à ce système une forme dramatique presque accomplie. Cette dramatisation devient le premier effort pour structurer l’insaisissable dynamisme du texte, lui donner un sens, une direction dans laquelle reconnaître, par convergence ou par opposition, les deux plans, humain et divin. C’est l’opposition plutôt que la convergence qui semble s’affirmer dans les lettres françaises, quand on cherche à donner au Cantique cette clef explicative et rassurante. Mais clarifier ne veut pas dire seulement identifier le couple du dialogue amoureux; il s’agit plutôt de prendre part à ce dialogue, de s’en approprier intimement, à la quête d’un sens qu’on voudrait expérimenter en soi-même. Plutôt que structurer on déstructure, on donne libre cours à son propre lyrisme solitaire, comme nous témoigne l’expérience des mystiques ainsi que l’effort d’assimilation intime d’une partie de la modernité: dans un temps de déracinés, de naufragés, d’exilés, aller à la rencontre de la bien aimée, absente hélas depuis longtemps, devient un retour à soi, au royaume de sa propre enfance, aux sources identitaires d’Israël ainsi que de l’Afrique contemporaine. La fortune du Cantique s’exprime enfin dans une troisième direction, celle qui dépasse tout souci de clarification pour revenir au texte, à sa valeur proprement esthétique. C’est par la parole, en effet, que ce couple d’amants arrive à s’unir, c’est à travers un échange continu de métaphores hardies qu’il se réalise l’un pour l’autre, en détournant la langue de l’ordre établi pour trouver un langage nouveau, fort comme la mort. Si la visée explicative s’attache souvent à circonscrire l’audace du Cantique, l’effort d’appropriation verbale révèle au contraire une témérité qui traverse les lettres françaises dans les siècles.