Poésie, 1946-1967
Point de vue de l'éditeurPour Jaccottet, il s'agit moins de cerner un sens - comment le pourrait-on ? - que d'adopter une posture existentielle, celle du poète ignorant. « Tel est le monde. / Nous ne le voyons pas très longtemps : juste assez / pour en garder ce qui scintille et va s'éteindre, / pour appeler encore et encore, et trembler / de ne plus voir. Ainsi s'applique l'appauvri, / comme un homme à genoux qu'on verrait s'efforcer / contre le vent de rassembler son maigre feu... » À l'encontre d'une autre modernité, plus portée par le pouvoir créateur du langage, la poésie de Jaccottet s'abîme dans une recherche désespérée du sens : « je ne peindrai qu'un arbre qui retient dans son feuillage / le murmure doré d'une lumière de passage » En bon traducteur, le poète s'efface derrière ce langage dépouillé (« L'effacement soit ma façon de resplendir »), derrière un « je », qui est un « lui », mais aussi tous les humains.