L'amour fou

L'amour fou

André Breton1976
Le point de vue de l'éditeur Je vous souhaite d'être follement aimée. Un des textes fondamentaux du surréalisme. Un des ouvrages de Breton dans lequel s'offre le plus ouvertement la gamme entière de ses charmes . Le hasard et le désir, la vie et le rêve, le monde et l'homme entretiennent ici une mystérieuse correspondance de tous les instants.
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Reviews

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Safiya @safiya-epub
3 stars
Jan 25, 2022

Je retrouve ce chemin grâce à l'oeuvre sur l'anarchisme de Chomsky, mais aussi grâce aux théoriciens post-coloniaux qui débattent de la possibilité d'un détachement du moins théorique du passé. C'est un entrelacs informé d'idées et de possibilités que ce débat porte en lui, un peu à la manière d'André Breton. Ce ne fut pas un hasard que j'ai eu du mal à démarrer cette lecture, tant de souvenirs trépidaient en moi et me tracassaient : j'avais eu l'occasion d'ouvrir Les Chants du Maladoror du Comte de Lautréamont (Lucien Ducasse), non seulement que sa découverte était le fruit d'une longue solitude, mais c'était un moment existentiel où chaque mot résonnait dans le vide autour de moi. Et Dieu sait comme c'est lourd de syllogismes qui ne se rejoignent que sur la ligne. Bien évidemment, c'est le monde des surréalistes. Ce mouvement se base sur les forces psychiques pour produire son oeuvre : texte, tableau, poème...etc en libérant ses rêves et son inconscients de la raison et des valeurs reçues. André Breton était le premier à suggérer le manifeste du surréalisme où il le définit comme suit : « automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale […] ». En visitant l'exposition de Dali au Museo Nacional Reina Sofía, cette idée m'était facilement discernable et tangible. Le surréaliste voit en ce processus une thérapie, un mode de libération et un acte de résistance. Une quête parmi d'autres vers un idéal. C'est cette certitude d'avoir pu, à travers la production de l'oeuvre, atteindre la vérité "véritable" qu'on retrouve également chez Breton. Il part de lamentations et reproches distraits durant le processus de ce qui l'entoure. Il pose plus de questions qu'il n'en répond. Le lecteur est subjugué par l'entrelacs de différents thème en une seule idée, qui n'offrent aux non-cognoscenti qu'un texte de mauvais goût et c'est pardonnable tant l'auteur s'adresse à lui même et moins aux lecteurs. "L’histoire ne dit pas que les poètes romantiques, qui semblent pourtant de l’amour s’être fait une conception moins dramatique que la nôtre, ont réussi à tenir tête à l’orage." C'est ainsi qu'il commence dans le doute et la révolte, remettre en question cette force inconnue de l'amour, comment a-t-elle pu être souveraine ? Aussi fragile et éphémère? "L’égoïsme odieux s’emmure en toute hâte dans une tour sans fenêtres. L’attraction est rompue, la beauté même du visage aimé se dérobe, un vent de cendres emporte tout, la poursuite de la vie est compromise. Est-il besoin de dire que ces instants sont comptés, qu’ils sont à la merci d’un signe d’intelligence du cœur – un mouvement involontaire de détente, un geste familier – pour prendre fin sans laisser la moindre trace." Mais au bout de son texte "convulsif" il arrive à une certitude et décide de dédier le livre à sa fille. Le grand mystérieux passage du scepticisme à l'absolu est tracé le long de l'essai et laisse entrevoir la vulnérabilité mais la persistance de l'auteur à vouloir comprendre. Il se met au carrefour de dialogue entre le rêve et le désir qu'il considère comme essence vitale, entre la vie et le hasard, sujette à des forces qu'il décrit d'inconnues, mais qui existent tout de même. "Le hasard ayant été défini comme « la rencontre d’une causalité externe et d’une finalité interne », il s’agit de savoir si une certaine espèce de « rencontre » – ici la rencontre capitale, c’est-à-dire par définition la rencontre subjectivée à l’extrême – peut être envisagée sous l’angle du hasard sans que cela entraîne immédiatement de pétition de principe." Ses mots retrouve leurs échos dans les poèmes de Baudelaire dont il cite la strophe suivante : "Les plus riches cités, les plus grands paysages Jamais ne contenaient l’attrait mystérieux De ceux que le hasard fait avec les nuages Et toujours le désir nous rendait soucieux !" - Baudelaire, Voyage. De l'amour il n'était pas sur, mais sa certitude prend forme à la vue de sa fille et il déclare ce qui me semble répondre au tire : "L'amour fou" : Cette aspiration aveugle vers le mieux suffirait à justifier l’amour tel que je le conçois, l’amour absolu, comme seul principe de sélection physique et morale qui puisse répondre de la non-vanité du témoignage, du passage humains. En bref, l'essai est une invitation à se libérer à penser autrement, mais de ne pas craindre finir dans le même système de valeurs dont on s'est échappé. Note sur la couverture : C'est une oeuvre célèbre de René Magritte l'une des figures belges du surréalisme, dont le nom rappelle également Dali (on ne parle pas de l'un sans l'autre) - faisant partie de sa collection Domaine Enchanté où il retrace ses premières influences et idées créatives. "My intention is to offer an artistic spectacle of some significance, and convey a hitherto unknown feeling, a feeling in keeping with the attitude appropriate to a person living in the universe" (published in Elle, 16 July 1953, p. 8; in D. Sylvester, op. cit., pp. 217-218, no. 791). A celle/ceux qui lisent ce review, je dédie les derniers mots de l'auteur qu'il adresse à sa fille: "Je vous souhaite d’être follement aimée."